ssoabs - stumble and choose
Avec Jochen Gerz / Sarkis, Voluspa Jarpa, Gabriela Löffel, Tony Morgan, Richard Serra
Prologue * Charlotte Seidel
Prologue * Charlotte Seidel
Médiathèque du FMAC
16.02 – 14.04.2018
Selon Umberto Eco, écrivain et sémiologue, traduire c’est dire presque
la même chose [1]. On parle du passage d’une langue à une autre, mais
on peut également penser au déplacement d’un champ à un autre (du livre
au film ou du texte à l’image). Dans le contexte de la Médiathèque du
FMAC et de la conservation d’une collection vidéo, on peut aussi évoquer
le passage d’un support à un autre, du Betacam ou de la pellicule sur
DVD par exemple, pour des questions de conservation et de diffusion.
Notablement, nous n’exposons presque jamais des formats originaux. Que
perd-on dans ce presque ? Qu’est ce qui y disparaît, comme aspiré par un
gouffre ?
L’intention qui préside généralement à la traduction est une volonté
de transmettre le plus fidèlement possible un savoir, une pensée, des
idées dans un autre format que l’original. Mais à quoi faut-il être
fidèle ? Plusieurs facteurs entrent en jeu : la pensée de l’auteur bien
sûr, mais également celle du traducteur, dont la compréhension est
déterminée par le contexte social, politique et économique dans lequel
il se trouve. Et enfin les langues elles-mêmes, systèmes portant en leur
sein même des éléments idéologiques inscrits par l’histoire, sinon
nationale, du moins liée aux évolutions socio-politiques des pays qui la
pratiquent. Translator en anglais, le traducteur opère dans le
déplacement et doit sans cesse ajuster sa pratique aux contenus que
véhiculent ses terrains d’action, les langues.
De plus en plus perfectionnés suivant l’évolution des technologies,
de nombreux systèmes de traduction sont aujourd’hui présents sur le
marché, du simple site en ligne à des outils plus complets
d’interprétation simultanée, permettant de rêver à l’abolition des
barrières linguistiques. Pourtant prendre la parole – à l’oral comme à
l’écrit – implique souvent des temps d’échec ou de ratés avant de
pouvoir s’affirmer. Quelles que soient les motivations de cette prise de
parole (engagement ou contestation, communication interpersonnelle dans
la vie privée ou le travail, performance en face d’un public), la
formation du langage correspond à un processus complexe de mise en ordre
des idées et des mots. Parler pour se comprendre serait sans doute une
vision simpliste du langage ; s’il nous lie aux autres, c’est aussi le
lieu des malentendus, des non-dits, des incompréhensions. En ce qu’elle
est le véhicule privilégié de l’inconscient, la langue porte avec elle
toutes sortes de failles qui soulignent des éléments que l’on ne
souhaite pas nécessairement communiquer. Lapsus, mot d’esprit ou rêves
sont des exemples explorés par la psychanalyse, où les mots pointent
vers autre chose que ce qu’ils disent.
L’exposition stumble and choose (hésiter
et choisir) présente plusieurs pièces qui évoquent, directement ou de
manière plus poétique, ces différents type d’écarts liés au langage.
Elles se développent suivant plusieurs axes : le rapport à soi et aux
autres, la compréhension d’une langue et l’accès à l’Histoire, le
contenu idéologique véhiculé par les mots ou le rapport au médium.
[1] Umberto Eco, “Dire presque la même chose”, Grasset, 2006 (1e éd. 2003)